A propos de mes cuissons au bois
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A propos de mes cuissons au bois





Ce que j’aime c’est le long processus que nécessite un four papier.

Ce four, comme un ventre d’éléphant à la peau mille fois plissée. Silencieux d’abord, comme assoupi,  il va grogner dans ses fumées acres. Lentement sa peau va craqueler.  Atteignant les 900 degrés il va devenir un véritable creuset ou bouillonne le rouge translucide des pièces, comme les organes nobles dans le secret de son corps. Et puis soudain, dans la nuit profonde,  après 15 ou 20 heures de travail,  de la cheminée  ( la trompe levée  de l’éléphant ! )  bruit,  siffle , mugit cette puissante flamme à 3 mètres de hauteur,  elle jaillit comme une épée translucide dans le sombre du ciel,  d’un bleu unique ,  gaz repu d’une digestion phénoménale. Et sur ce flot d’émotions  on  gagne les 1000° heureux…..voir mort.



Ces cuissons m’inspirent  bien sûr crainte et respect,  du fait de l’enjeu : à chaque fois je mets un personnage de grande dimension  ( modelé d’une seule pièce, 100 kg de terre, 2 mètres de haut ). Dresser cette pâte  glaiseuse,  la modeler ,  lui imprimer mon désir,  la transporter au four........cuire ce personnage  afin qu’il se révèle au contact du feu. Comme si enfin l’immense fragilité de l’argile pouvait  reconquérir l’esprit de la pierre,  et passer du fragile-humide-émouvant  à l’ignition de la vie et de son éternité.



Trois jours après,  étendu sur la sole dans le poudroiement de la cendre,  se lève un étranger. Enfumé au cœur même de sa chair,  il est là.
 Il me faut à chaque fois prendre le temps de l’accueillir.


Jean Marie Borgeaud,   La Louvière septembre 2012