Sculptures
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Squelette






Crânes

Sculptures

Le travail du squelette m'a emmené bien au-delà de ce que je pensais. C'est avant tout un travail de connaissance et un émerveillement. Je vois l'os comme le cristal de l'homme : une fantastique structure minérale qui croît et pousse dans notre chair, comme pousse le cristal dans les plis gigantesques des roches. La sensation du squelette éveille en moi une perception très fine, et une conscience qui génère à son tour une profonde intériorité tant dans mon rapport au monde, qu'à moi-même.

Mais nous ne sommes pas que cette antenne de cristal, nous sommes aussi ce que dévore la Mort. Le reste de son festin sont nos ossements. Parfois ceux-ci rejoignent la grande famille des dormants, ceux qui veillent dans l'épaisseur nocturne de la terre. Pendant des millions d'années ils attendent, muets, un hypothétique dévoilement ... apparaît alors un ancêtre immobile dans sa posture immémoriale (Maundu Muluila découvre en 1974 un fragment de crâne en Tanzanie dont le dernier souffle date de 3.6 millions d'années !). Ce frère d'os, je l'ai voulu dans la noblesse de la porcelaine et son émail céladon pour l'énigme que pose cette couleur mystérieuse, reflet du ciel ou écume originelle.

Au défournage, sur le sol sombre de l'atelier de Hugues de Crousaz, lorsque le squelette nous apparut pour la première fois, émanait de lui cette structure célestale tant cherchée, mais sourdait en lui, avec la même force, la Mort. Aujourd'hui cela me semble normal, mais j'étais stupéfait, défait, trahi par cette noce imprévue.

J'ai pensé à ce dicton: « La Mort commence le jour de ta naissance ». Je me suis introduit dans ce saisissement; j'ai laissé tous les souffles et toutes les émotions sortir de cette expérience, et me suis absorbé dans les dessins et les crânes.
Les états de la mort que l'on ressent en soi, les états que le mourant vous communique, tous ces états qui finalement m'ont amené au sourire.


Jean Marie Borgeaud, Estrée, juin 2004